Par Mamadou Kaly Ba – militant écologiste, fils du Sénégal et chargé de campagne Océan chez Greenpeace Afrique

Je suis né au Sénégal. Et même si je ne suis pas originaire de Joal, j’y ai marché, j’y ai écouté, j’y ai ressenti la détresse profonde d’un peuple qui voit son lien avec la mer s’effondrer.

J’ai grandi avec un profond respect pour l’océan, ce patrimoine commun qui façonne nos cultures, nourrit nos familles et forge nos identités. Et ce que je vois aujourd’hui me bouleverse. Ce que je vis me met en colère.

Je ne vous écris pas pour célébrer la Journée mondiale de l’océan, mais pour dénoncer.

Car pendant que le monde fait mine d’honorer nos mers, nos communautés côtières s’asphyxient en silence.

Pendant que les discours internationaux s’enchaînent, des usines broient notre poisson, notre dignité, notre avenir, au profit d’intérêts étrangers, froids, déshumanisés.

Une tournée de la honte, une tournée de la rage

Du 16 au 20 juin, j’ai parcouru les côtes sénégalaises avec la Coalition nationale contre les usines de farine et d’huile de poisson. De Joal à Saint-Louis, en passant par Kayar, Diamniadio, Sandiara, et même jusqu’en Gambie.

J’ai vu. J’ai écouté. Et j’ai retenu mes larmes face à tant d’injustice.

À Joal, là où la mer offrait autrefois l’abondance, les filets reviennent aujourd’hui vides.

Les femmes transformatrices n’ont plus rien à sécher, à vendre, à transmettre.

À Kayar, un pêcheur me dit avec amertume : « Les usines vident nos mers et nous laissent crever. »

À Diamniadio, un père m’a confié devoir envoyer ses enfants chez des proches à chaque mise en marche de l’usine, pour les protéger des crises d’asthme provoquées par les fumées toxiques. Les cas d’asthme se multiplient chez les plus jeunes. Ce n’est plus seulement une crise écologique. C’est une tragédie sociale. Une urgence sanitaire. Un scandale politique.

Ils prennent notre poisson, et nous laissent la misère

Il faut 7 kilos de poisson frais pour produire un seul kilo de farine.

23 kilos pour obtenir un litre d’huile. Des poissons sains, nourrissants, que nos enfants ne verront même pas.

Parce qu’ils sont envoyés là-bas, en Europe, pour nourrir des saumons d’élevage dans des fermes industrielles.

Pendant ce temps, nos marchés se vident, nos assiettes aussi, et nos enfants mangent moins de poisson.

Et on nous parle de développement ? Non. Ce n’est pas du développement. C’est du saccage. C’est du vol. C’est du néocolonialisme version 2.0, maquillé en investissements.

Le Sénégal signe des traités… pendant que ses enfants s’asphyxient

Oui, le Sénégal a signé le Traité sur la Haute Mer (BBNJ) à Nice, lors de la Conférence des Nations Unies sur les Océans. C’est un signal positif.

Mais que vaut une signature quand, sur le terrain, les usines de Cayar, Joal ou Sandiara tournent à plein régime ?

Que vaut un engagement international si les autorités ferment les yeux sur les souffrances de leur propre peuple ?

Soyons clairs : un traité sans actes concrets, ce n’est qu’un cache-misère diplomatique.

Notre océan n’est pas à vendre

Avec la coalition, voici ce que nous exigeons, non pas comme faveur, mais comme droit fondamental :

  • La fermeture immédiate des usines de farine et d’huile de poisson au Sénégal ;
  • L’interdiction totale d’utiliser du poisson frais destiné à la consommation humaine dans ces industries ;
  • La reconnaissance officielle des femmes transformatrices comme actrices économiques à part entière ;
  • L’application rigoureuse des lois existantes sur la pêche artisanale et la protection des ressources marines.

Ce combat ne fait que commencer

Cette tournée n’était qu’un point de départ. Et ce combat, croyez-moi, ne s’arrêtera pas à une date symbolique.

Nous allons poursuivre la mobilisation, interpeller les décideurs, occuper l’espace public, renforcer les alliances.

Parce que notre océan n’est pas une réserve pour multinationales. Il est notre vie, notre héritage, notre avenir.

« On ne peut pas continuer à exporter l’avenir de nos enfants sous forme de farine », m’a lancé une femme à Joal.

Elle a raison. Et tant que ce système perdurera, je me battrai.

Parce que je suis de ce pays. Parce que je suis de cette terre. Parce que je suis en colère.

On ne broie pas l’avenir d’un peuple pour nourrir des poissons en Europe

Par Mamadou Kaly Ba – militant écologiste, fils du Sénégal et chargé de campagne Océan chez Greenpeace Afrique

Je suis né au Sénégal. Et même si je ne suis pas originaire de Joal, j’y ai marché, j’y ai écouté, j’y ai ressenti la détresse profonde d’un peuple qui voit son lien avec la mer s’effondrer.

J’ai grandi avec un profond respect pour l’océan, ce patrimoine commun qui façonne nos cultures, nourrit nos familles et forge nos identités. Et ce que je vois aujourd’hui me bouleverse. Ce que je vis me met en colère.

Je ne vous écris pas pour célébrer la Journée mondiale de l’océan, mais pour dénoncer.

Car pendant que le monde fait mine d’honorer nos mers, nos communautés côtières s’asphyxient en silence.

Pendant que les discours internationaux s’enchaînent, des usines broient notre poisson, notre dignité, notre avenir, au profit d’intérêts étrangers, froids, déshumanisés.

Une tournée de la honte, une tournée de la rage

Du 16 au 20 juin, j’ai parcouru les côtes sénégalaises avec la Coalition nationale contre les usines de farine et d’huile de poisson. De Joal à Saint-Louis, en passant par Kayar, Diamniadio, Sandiara, et même jusqu’en Gambie. J’ai vu. J’ai écouté. Et j’ai retenu mes larmes face à tant d’injustice.

À Joal, là où la mer offrait autrefois l’abondance, les filets reviennent aujourd’hui vides. Les femmes transformatrices n’ont plus rien à sécher, à vendre, à transmettre. 

À Kayar, un pêcheur me dit avec amertume : « Les usines vident nos mers et nous laissent crever. » 

À Diamniadio, un père m’a confié devoir envoyer ses enfants chez des proches à chaque mise en marche de l’usine, pour les protéger des crises d’asthme provoquées par les fumées toxiques. Les cas d’asthme se multiplient chez les plus jeunes. Ce n’est plus seulement une crise écologique. C’est une tragédie sociale. Une urgence sanitaire. Un scandale politique.

Ils prennent notre poisson, et nous laissent la misère

Il faut 7 kilos de poisson frais pour produire un seul kilo de farine, 23 kilos pour obtenir un litre d’huile. Des poissons sains, nourrissants, que nos enfants ne verront même pas. Parce qu’ils sont envoyés là-bas, en Europe, pour nourrir des saumons d’élevage dans des fermes industrielles. Pendant ce temps, nos marchés se vident, nos assiettes aussi, et nos enfants mangent moins de poisson. Et on nous parle de développement ? Non. Ce n’est pas du développement. C’est du saccage. C’est du vol. C’est du néocolonialisme version 2.0, maquillé en investissements.

Le Sénégal signe des traités… pendant que ses enfants s’asphyxient

Oui, le Sénégal a signé le Traité sur la Haute Mer (BBNJ) à Nice, lors de la Conférence des Nations Unies sur les Océans. C’est un signal positif.

Mais que vaut une signature quand, sur le terrain, les usines de Cayar, Joal ou Sandiara tournent à plein régime?

Que vaut un engagement international si les autorités ferment les yeux sur les souffrances de leur propre peuple?

Soyons clairs : un traité sans actes concrets, ce n’est qu’un cache-misère diplomatique.

Notre océan n’est pas à vendre

Avec la coalition, voici ce que nous exigeons, non pas comme faveur, mais comme droit fondamental :

  • La fermeture immédiate des usines de farine et d’huile de poisson au Sénégal ;
  • L’interdiction totale d’utiliser du poisson frais destiné à la consommation humaine dans ces industries ;
  • La reconnaissance officielle des femmes transformatrices comme actrices économiques à part entière ;
  • L’application rigoureuse des lois existantes sur la pêche artisanale et la protection des ressources marines.

Ce combat ne fait que commencer

Cette tournée n’était qu’un point de départ. Et ce combat, croyez-moi, ne s’arrêtera pas à une date symbolique.

Nous allons poursuivre la mobilisation, interpeller les décideurs, occuper l’espace public, renforcer les alliances.

Parce que notre océan n’est pas une réserve pour multinationales. Il est notre vie, notre héritage, notre avenir.

« On ne peut pas continuer à exporter l’avenir de nos enfants sous forme de farine », m’a lancé une femme à Joal. Elle a raison. Et tant que ce système perdurera, je me battrai.

Parce que je suis de ce pays. Parce que je suis de cette terre. Parce que je suis en colère.