Partout dans le monde, les atteintes aux écosystèmes et à la nature se multiplient, affectant durement les populations qui y vivent. Alors que les entreprises détiennent une personnalité juridique, leur permettant de poursuivre des Etats pour violation de leurs droits, la nature, elle, en est dépourvue. Si le crime d’écocide était reconnu, des dossiers juridiques pourraient être montés pour défendre la nature et ses écosystèmes.
D’où vient le terme “écocide” et que relève-t-il ?
L’étymologie de ce mot provient des mots grecs oikos (la maison) et occidere (tuer). L’écocide vise donc la destruction ou l’endommagement irrémédiable d’un écosystème en raison des activités humaines, que cela soit fait de manière intentionnelle ou non.
Le terme “écocide” comprend, entre autres, la déforestation de forêts tropicales comme l’Amazone, les marées noires, la disparition de la mer d’Aral en raison de la surexploitation des rivières qui l’alimentent, la destruction de forêts… Cela correspond également à la dissémination de l’agent orange par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam. Un herbicide qui fut largué sur des milliers d’hectares de forêts et de champs, avec pour effet de détruire les forêts et de générer encore actuellement des malformations à la naissance. Le Vietnam fut d’ailleurs le premier pays à l’introduire dans son code pénal en 1990. D’autres pays suivront comme la Russie, l’Ukraine, l’Italie, etc.
Ecocide, crime contre l’humanité ?
Face aux destructions de la biodiversité et à l’urgence climatique, l’idée de faire reconnaître l’écocide comme un crime contre l’humanité gagne du terrain. De Greta Thunberg, Malala Yousafzai au pape François, plusieurs personnalités appellent à cette reconnaissance.
Pourtant, la demande ne date pas d’hier. Déjà en 1998, lors de la fondation de la Cour Pénale Internationale (CPI), il était demandé de reconnaître l’écocide comme un crime contre l’humanité, au même titre que le génocide. Mais, à ce jour, les atteintes portées à l’environnement sont uniquement jugées lorsqu’elles se produisent en temps de guerre.
La reconnaissance gagne du terrain…
De plus en plus de gens sont conscients que le changement climatique et les atteintes à la biodiversité prennent de plus en plus d’ampleur. Certain.e.s, comme la juriste Polly Higgins, ont d’ailleurs lancé la campagne “Stop Ecocide” pour que la CPI reconnaisse l’écocide.
Du côté de la Belgique, par le biais de notre Ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès, notre pays se positionne, en décembre 2020, en faveur de cette reconnaissance et plaide pour étendre la compétence de la CPI au crime d’écocide. L’accord de gouvernement prévoit également d’introduire l’écocide dans le code pénal belge.
… mais la CPI a des limites
En effet, certains pays, comme les Etats-Unis, n’adhèrent pas à cette demande de reconnaissance, ce qui bloque l’application de décisions. En effet, la CPI dépend de la volonté de ses Etats membres. De plus, la CPI ne peut poursuivre que des individus. Ce serait donc le CEO d’une multinationale qui se retrouverait sur le banc des accusés, et non l’entreprise elle-même.
Par ailleurs, la campagne internationale “Stop Ecocide” estime qu’il faudra entre 3 et 7 ans pour réformer la CPI. En effet, il faudra d’abord qu’un Etat membre dépose un amendement, puis qu’une majorité de pays accepte d’analyser l’amendement, pour finalement obtenir une majorité de ⅔ des Etats signataires, soit 82 Etats.
Il est temps d’agir !
Pour les tenants de la campagne “Stop Ecocide”, la reconnaissance de l’écocide comme crime contre l’humanité constituerait un signal culturel fort, qui ne passerait plus inaperçu auprès des Etats et des entreprises. Plus que jamais, au vu de la crise climatique et de l’urgence de mettre un terme au déclin de la biodiversité, il est nécessaire que des actions soient prises, à tous les niveaux.
Dans ce cadre, la reconnaissance de l’écocide est une étape essentielle et utile pour avancer dans un monde où l’humanité vivrait en équilibre avec la planète. Cependant, nous ne pouvons pas attendre 7 ans de plus pour y arriver. Nous sommes à la croisée des chemins, il y a urgence. C’est pourquoi d’autres actions doivent être rapidement prises pour ne pas avoir à juger d’atteintes graves à l’environnement dans une planète où notre avenir et celui des générations à venir est déjà compromis.
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