L’un de mes premiers souvenirs d’enfance aux Philippines est de collecter des bouteilles en verre de Coca-Cola dans notre maison, à l’occasion de célébrations ou d’évènements familiaux. Avec ma petite sœur, nous transportions trois à cinq bouteilles en verre d’un litre dans nos petits bras et les ramenions au magasin sari-sari – notre magasin de proximité – en échange d’une petite caution.

Je me rappelle aussi qu’on me demandait de faire des courses pour ma famille et que j’avais pour mission d’aller chercher ce qui manquait à ma grand-mère pour ce qu’elle avait prévu de cuisiner ce jour-là. J’allais chercher nos bidons vides dans l’armoire et les faisais remplir dans un magasin du coin. Remplir ces bouteilles était ma responsabilité et, en tant que petite fille, j’étais fière de les réutiliser.

Voilà ce à quoi je pense à chaque fois que je travaille sur des audits internationaux de marques de plastique, en ramassant des sachets, des emballages et des bouteilles sur les plages et les cours d’eau sombres et pollués de Manille. Je me remémore tout ça, non seulement pour la nostalgie de ma jeunesse, mais aussi parce que j’ai été témoin d’un système qui ne reposait pas sur une logique du tout jetable. C’était un système qui fonctionnait pour notre communauté et qui offrait une place et un rôle à une enfant comme moi. 

Greenpeace et les membres du mouvement #breakfreefromplastic poursuivent leur opération de nettoyage des plages et d’audit des marques à Freedom Island, Parañaque City. L’activité vise à désigner les entreprises les plus responsables de la pollution plastique de nos plages. © Jilson Tiu / Greenpeace

Son remplaçant ? Des emballages jetables et bon marché qui polluent l’air, l’eau, les sols, le climat et nuisent à notre santé dès leur fabrication. Une nouvelle étude a également décelé du plastique dans notre sang. Le plastique, c’est du pétrole. Le pétrole, c’est un combustible fossile. Poursuivre l’extraction des combustibles fossiles, c’est augmenter les risques et la gravité des catastrophes dans un climat d’ores et déjà en plein dérèglement. 

Collection de bouteilles et de capsules de Coca-Cola trouvées sur Freedom Island, aux Philippines, lors d’une activité de nettoyage. © Daniel Müller / Greenpeace

Les grandes entreprises qui travaillent main dans la main avec l’industrie fossile nous submergent de leur plastique

La pollution plastique et les conséquences de sa contribution à la crise climatique sont devenues courantes dans de nombreux pays. Et nous n’en sommes pas là parce que les gens se sont montrés irresponsables, ce que les grandes entreprises s’efforcent de nous faire croire, mais bien parce qu’elles ont produit tant et tant de plastique qu’on ne peut plus le gérer. Si les compagnies comme Coca-Cola, PepsiCo, Nestlé et Unilever parviennent à leurs fins, la production plastique pourrait bien tripler d’ici 2050. De quoi s’alarmer, surtout à l’heure où nous devons maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5°C

Greenpeace et la coalition #breakfreefromplastic mènent une activité de nettoyage de plage et un audit de marque sur Freedom Island, Parañaque City, Metro Manila, Philippines. © Daniel Müller / Greenpeace

Mais grâce aux millions de personnes qui exigent de vraies solutions, les choses évoluent. La résolution récemment adoptée pour négocier un traité mondial sur le plastique est un grand pas qui maintiendra la pression sur les grands groupes agro-alimentaires et pétroliers pour qu’ils réduisent leur empreinte plastique et changent leurs modèles économiques vers des systèmes de recharge et de réutilisation. Même Coca-Cola, pourtant élu premier pollueur plastique chaque année depuis 2018, vient d’annoncer que, d’ici 2030, au moins 25 % de ses emballages seraient rechargeables ou réutilisables.

Pour la fin de l’addiction aux emballages à usage unique

Mais ce n’est pas encore suffisant, et les entreprises doivent faire plus pour augmenter leurs investissements dans les systèmes de recharge et de réutilisation. C’est l’avenir. En tant que véritables leaders de l’industrie, ces compagnies ne devraient pas s’accrocher à de fausses solutions qui égratignent à peine le monstre auquel elles ont elles-même donné vie, et abandonneront le plastique à usage unique.

Déchets plastiques sur les plages de la baie de Manille. © Daniel Müller / Greenpeace

Coca-Cola doit doubler son engagement à atteindre 50 % de recharge et de réutilisation d’ici 2030. PepsiCo et Nestlé, quant à elles, doivent rattraper leur retard et faire davantage en s’engageant à fixer des objectifs de 50 % d’emballages réutilisables d’ici 2030. Ce sont des chiffres simples qui feront une énorme différence pour notre planète, sa population et son climat

Alors notre avenir s’avère incertain, les gens feront ce qu’il faut pour continuer à dénoncer, remettre en question et rejeter les mensonges, le greenwashing et les fausses solutions dont se rendent coupables les grandes compagnies. Lorsque les actionnaires se réuniront au printemps pour définir l’avenir de leurs entreprises, ils et elles devront saisir l’occasion pour s’assurer qu’elles sont du bon côté de l’histoire – à moins de ne rester dans l’Histoire que comme LA marque de la pollution plastique.

Les choses changent avec parfois des évolutions positives, mais nous demandons plus d’actions et un engagement plus forts, parce que la situation est critique pour notre planète et le climat. Notre détermination ne faiblira pas, parce que nous avons un avenir à préserver. 

Angelica Carballo Pago est la responsable communication et médias pour la campagne « Plastic-Free Future » de Greenpeace USA.


Source article : Greenpeace International