Déi lénk Hand däerf net de Géigendeel maache vun deem wat déi riets Hand mécht

Luxembourg, 3 novembre 2023 – Durabilité, climat, environnement, droits humains. Le monde politique et économique au Luxembourg est – en principe – d’accord pour relever et respecter les défis en lien avec ces enjeux globaux. Pourtant, les deux partis politiques actuellement en train de former un nouveau gouvernement mettent en avant le développement économique du pays qui aura évidemment aussi un impact sur ces enjeux globaux. Cependant, il est temps de dépasser les déclarations en entreprenant des mesures concrètes et mesurables.

Le Cercle de Coopération des ONGD, le groupe de travail « Finance durable » et l’Initiative pour un devoir de vigilance ont demandé une entrevue avec les représentant·e·s des groupes de travail à Senningen chargé·e·s de l’élaboration d’un nouveau programme gouvernemental. Cette demande est restée jusqu’à aujourd’hui sans réponse.

Ces trois réseaux représentent près d’une centaine d’organisations de la société civile œuvrant pour l’atteinte des Objectifs du Développement Durable et étant actives dans la lutte contre les inégalités dans le monde. Leurs porte-paroles expriment clairement leurs attentes vis-à-vis du prochain gouvernement : 

« Nous sommes d’avis que le futur gouvernement luxembourgeois ne doit pas seulement s’occuper des thématiques d’importance nationale. Afin de s’engager pour une vraie transition vers une économie durable respectant les droits humains, le climat et l’environnement au niveau de ses chaînes d’approvisionnement, une consultation des associations patronales comme l’UEL ou la Fedil ne peut en aucun cas être suffisante. En tant que l’un des pays ayant la plus grande empreinte écologique au monde et en tant que membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, le Luxembourg doit également assumer ses responsabilités internationales. »

En effet, selon le spillover index des Nations Unies [1], le Luxembourg a une des performances les plus négatives (162e place parmi 166) globalement en termes d’effets néfastes de ses politiques sur le développement durable d’autres pays.

Certains défis clés devront être abordés avec des mesures concrètes, notamment : 

  • la transition vers une économie plus durable et la responsabilisation du secteur financier au niveau des droits humains, y inclus le droit de la biodiversité et de l’environnement ainsi que la lutte contre le dérèglement climatique;
  • la cohérence des politiques pour le développement et la prise en compte et la mitigation des effets négatifs de la politique économique et commerciale du Luxembourg au niveau global. 

Le prochain gouvernement doit agir pour une transition vers une économie durable et assurer une cohérence des politiques dans ses actions

Les victimes des violations des droits humains et les conséquences négatives de la crise climatique ne devront pas être oubliées lors des négociations du futur accord de coalition, et l’engagement pour un développement durable devra désormais faire partie de l’ADN des entreprises au Luxembourg au 21e siècle, mais aussi de la politique économique de l’Etat luxembourgeois.

Dans ce contexte, nos revendications pour l’accord de coalition sont les suivantes :

– Assurer une vraie conformité et cohérence au niveau des lois nationales et des prises de position du gouvernement au niveau de l’Union Européenne avec les traités internationaux en matière de droits humains, climat et environnement ;
– Assurer la revue du Nohaltegkeets-Check avec des critères plus ambitieux, l’implication de la société civile au niveau de la consultation lors de ce processus, ainsi que l’intégration du Nohaltegkeets-Check au niveau législatif ;
– Implémenter un mécanisme de correction des incohérences constatées et créer un budget dédié à un suivi permanent et à une gouvernance robuste de la cohérence des politiques ;
– Développer et appliquer des indicateurs et méthodes de coordination et d’évaluation performants et contraignants en matière de cohérence des politiques ;
– Mettre en place un responsable au Ministère d’Etat, qui veillera à une cohérence des politiques, notamment en matière de droits humains, climat et environnement en lien avec les activités économiques ; les décisions y respectives seraient à prendre en conseil de gouvernement ;
– Procéder à une analyse de la politique luxembourgeoise en lien avec le spillover index des Nations Unies et intégrer les conclusions de manière cohérente au niveau des politiques nationales et internationales.
– Garantir la conformité des entreprises à participation étatique et des organismes de l’Etat avec les traités internationaux en matière de droits humains, environnement et climat, ainsi que les normes internationales telles que les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains.   

ANNEXE

1. Le prochain gouvernement doit agir en faveur des droits humains 

      Face au constat que des violations des droits humains sont toujours une réalité dans diverses activités économiques, le Cercle de Coopération des ONGD, le groupe de travail « Finance durable » et l’Initiative pour un devoir de vigilance appellent les partis politiques formant le prochain gouvernement à s’engager au niveau de l’élaboration actuelle de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité [2]. Un focus particulier devra être mis sur l’élaboration d’une position transparente favorisant une législation efficace et renforcée, pleinement alignée sur les normes internationales, notamment en faveur de l’accès à la justice pour les victimes des violations des droits humains et en faveur de l’inclusion de tout le secteur financier, y inclus les fonds d’investissement. Dans le cas où l’UE ne parvient pas à conclure une directive européenne, nous appelons le Luxembourg à mettre en place une loi nationale « Entreprises et droits humains ». 

      L’Etat, les entreprises à participation étatiques et les organismes étatiques doivent garantir pleinement et immédiatement une conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains au niveau de leurs propres activités économiques. Dans ce contexte, il faut noter que le Pacte national dans sa version actuelle ne peut pas assurer cette démarche vu qu’il s’agit d’un produit « Green- and Socialwashing » (avec une approche « cocher les cases » contraire à l’essence et au texte du UNGP Reporting Framework).

      La responsabilisation du secteur financier constitue une urgence importante pour aboutir à un engagement plus conséquent du Luxembourg en matière des droits humains. Le « United Nations Working Group on Business and Human Rights » a pris position en juillet 2023 pour souligner que les principes directeurs des Nations Unies indiquent clairement que la responsabilité de respecter les droits humains s’applique pleinement à l’ensemble des institutions financières. Cette question de l’inclusion des fonds d’investissements dans la directive européenne et dans une future loi nationale « Entreprises et droits humains » est donc d’une importance majeure. Malgré s’être déclaré « pour un alignement aux normes et standards internationaux sur le devoir de vigilance », le gouvernement luxembourgeois précédent a soutenu un allègement de la norme internationale en matière de conduite responsable des entreprises – notamment avec les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains – lors des négociations au niveau de l’UE, surtout en ce qui concerne l’inclusion des fonds d’investissements dans le secteur financier.

      Il est à noter que Luc Frieden, futur premier ministre, s’est exprimé lors de la campagne électorale « pour une inclusion du secteur financier et notamment les fonds d’investissement au niveau d’une législation tout en prenant en compte les spécificités du secteur » en lien avec une transposition de directive dans la législation nationale.

      A noter dans ce contexte, qu’avec l’introduction du Nohaltegkeets-Check en juillet 2023 par le gouvernement, le Champ d’action prioritaire 10 « Garantir des finances durables » prévoit de devoir vérifier « au Luxembourg d’être en conformité avec les droits de l’homme et respecter les règles prévues dans les textes internationaux ». Une approche contradictoire, tant au niveau national qu’au niveau européen, montre qu’il y a de sérieux problèmes de cohérence de politique au Luxembourg pour garantir la pertinence et l’efficacité de la mise en œuvre du Nohaltegkeets-Check.

      2. Une cohérence des politiques dans les actions

      Dans les deux dernières décennies, le Luxembourg s’est engagé à plusieurs reprises pour assurer une cohérence des politiques pour le développement, notamment à travers le Traité de Lisbonne et la loi modifiée sur la Coopération au Développement de 2012, qui obligeront aussi le prochain gouvernement à prendre des mesures cohérentes. Or, si la société civile perçoit les principes de la cohérence des politiques du développement (CPD) et du développement durable (CPDD) comme des obligations que le gouvernement aurait mises en œuvre à travers des actions concrètes, une brève visite de la page dédiée à la CPD sur le site de la coopération luxembourgeoise suffit pour comprendre que pour le gouvernement lui-même, la cohérence des politiques se réduit largement à un catalogue de procédures sans ambition et sans impact réel sur ses actions.

      Sachant que ce clivage entre action et  ambition en matière de cohérence de politique pour le développement marque une bonne partie des domaines politiques, ses conséquences sont les plus néfastes dans le domaine des politiques économiques. Nous avons déjà illustré ce point à travers l’exemple de l’inclusion du secteur financier dans une loi nationale resp. au niveau de la position du Luxembourg lors des négociations au niveau de l’Union européenne pour un devoir de vigilance. Il touche aussi l’incohérence entre les obligations prises par le Luxembourg en matière de droits humains et le manque de régulation, de monitoring et de sanction du:

      • secteur industriel, par exemple concernant la disparition de deux défenseurs des droits humains et militants écologistes ce janvier au Mexique, « après une réunion sur les dégâts provoqués par une mine du groupe luxembourgeois Ternium », ou relatif au non-respect des normes de sécurité et environnementales d’une filiale d’ArcelorMittal au Kazakhstan, qui a causé la mort d’une cinquantaine de personnes lors de deux incidents séparés depuis août 2023. Notons que l’Etat luxembourgeois a une responsabilité élargie dans ce contexte avec un taux de participation de 1,52% au niveau de l’actionnariat d’ArcelorMittal ;
      • secteur technologique, par exemple concernant les activités du NSO Group, créateur du logiciel d’espionnage Pegasus, ou celles de MindGeek, mise en cause en matière de traite sexuelle des mineurs à travers son site PornHub.

      Dans le contexte d’une cohérence des politiques de développement au sens plus stricte, ce clivage entre action et ambition est un désastre pour le secteur de l’agriculture des principaux pays partenaires de la coopération luxembourgeoise. Comme l’a montré une coalition d’organisations de la société civile internationale – dont l’ONGD luxembourgeoise SOS FAIM – dans un récent rapport, un manque de cohérence entre les politiques et pratiques commerciales, agricoles et alimentaires entre l’Union Européenne et l’Afrique de l’Ouest « entrave depuis des décennies le développement agricole de la région, hypothèque l’avenir de sa souveraineté et sa sécurité alimentaire, et paupérise les travailleur.euses les plus vulnérables ». Pour le Grand-Duché, cette incohérence des pratiques européennes, soutenues par le Luxembourg, est accentuée par le fait que l’Afrique de l’Ouest est la région principale des activités de la coopération luxembourgeoise.

      Nous appelons le prochain gouvernement à poursuivre une cohérence des politiques de développement et de développement durable tangible à travers des actions concrètes et ambitieuses. Le changement de gouvernement doit être une opportunité pour honorer les engagements pris en matière de cohérence des politiques en transformant le procéduralisme actuel dans un mécanisme efficace et efficient. Pour ce faire, nous revendiquons l’implémentation d’un mécanisme de correction des incohérences constatées et la création d’un budget dédié à un suivi permanent et à une gouvernance robuste de la cohérence des politiques. Ce suivi nécessitera le développement et l’application d’indicateurs et méthodes de coordination et d’évaluation performantes et contraignantes en matière de cohérence des politiques. La mise-en-place d’un responsable au Ministère d’Etat permettra une veille continue et systématique de la cohérence des politiques en matière de droits humains, climat et environnement en lien avec les activités économiques. Le conseil du gouvernement pourrait se charger de la correction des incohérences des politiques ainsi constatées. 

      3. Une stratégie ambitieuse pour une transition vers une place financière véritablement durable

      Compte tenu de l’importance de sa place financière, le Luxembourg a une responsabilité́ particulière. En effet, le secteur financier mondial joue un rôle clé́ dans le système économique basé sur une croissance excessive non durable, dont les conséquences désastreuses sont évidentes. Cette situation est préoccupante, notamment au regard de l’accord de Paris sur le climat, qui souligne l’importance de rediriger les flux financiers vers des activités économiques durables pour lutter contre la crise climatique.

      Contrairement aux déclarations de la place financière luxembourgeoise, qui se vante publiquement de sa gamme de produits prétendument durables, il est important de souligner que les investissements dans des entreprises climaticides et/ou irrespectueuses des droits humains sont plutôt la norme que l’exception. Les pratiques habituelles persistent : selon une étude, les 100 plus grands fonds d’investissement domiciliés au Luxembourg ont financé́ à eux seuls des émissions de gaz à effet de serre d’environ 39 millions de tonnes en une seule année. Ces 100 fonds poursuivent des stratégies d’investissement qui conduiraient en moyenne à un réchauffement global de +4 degrés d’ici 2050, loin de l’objectif de 1,5 degré de l’accord de Paris. Même les investissements dont l’État est directement responsable, tels que le fonds de compensation souverain, ont jusqu’à présent largement négligé les critères sociaux des droits humains ainsi que les critères écologiques liés à la diminution de l’impact du changement du climat.

      À ce jour, aucune analyse de référence n’a été́ effectuée ni par les banques, ni par les autorités compétentes sur l’impact environnemental et sociétal du secteur financier luxembourgeois, malgré le fait que ce secteur joue un rôle crucial pour permettre la mise en œuvre de politiques de développement durable cohérentes et efficaces. Pourtant, le secteur financier luxembourgeois a la capacité et le devoir de contribuer de manière significative à la lutte contre le changement climatique et au développement durable à l’échelle mondiale. 

      Le futur gouvernement est appelé à prendre des mesures appropriées pour orienter les flux financiers vers des secteurs qui accélèrent nettement la transformation globale vers une économie durable. Pour atteindre ce but, le gouvernement doit mettre en place des objectifs clairs à court, moyen et long terme, à la fois qualitatifs et quantitatifs, ainsi que des processus de suivi permettant de mesurer ses progrès. 

      Il est essentiel de mettre en place des normes substantielles, des règles exhaustives ainsi qu’un contrôle rigoureux et de produire annuellement des rapports de monitoring clairs et complets relatifs à l’impact du secteur financier sur le changement climatique et le respect des droits humains. Pour commencer, le gouvernement doit intégrer dans la loi luxembourgeoise l’objectif pour le secteur financier de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques », conformément au paragraphe 2.1.c de l’Accord de Paris sur le climat. Afin d’intégrer la finance durable dans le courant dominant et d’éviter toute possibilité d’écoblanchiment due à l’absence de critères et de normes ambitieuses et cohérentes au niveau européen, la Luxemburg Sustainable Finance Strategy (LSFS) doit être révisée en 2024.

      A noter que la majorité des « Spëtzekandidaten » ayant répondu au questionnaire de l’Initiative pour un devoir de vigilance se sont exprimés en faveur pour que, lors d’une transition de la directive CSDDD en législation nationale, l’État veille à ce que les entreprises élaborent et mettent en œuvre un plan pour la transition conformément aux exigences d’information visées à l’article 19 bis du règlement (UE) 2021/0104 (CSRD), en vue de garantir que le modèle d’entreprise et la stratégie de l’entreprise sont alignés sur les objectifs de la transition vers une économie durable et sur la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C conformément à l’accord de Paris. 


      [1] https://dashboards.sdgindex.org/rankings/spillovers#:~:text=Countries%20are%20ranked%20by%20their,economy%20%26%20finance%2C%20and%20security. “Countries are ranked by their spillover score. Each country’s actions can have positive or negative effects on other countries’ abilities to achieve the SDGs. The Spillover Index assesses such spillovers along three dimensions: environmental & social impacts embodied into trade, economy & finance, and security. A higher score means that a country causes more positive and fewer negative spillover effects.”

      [2] connue sous le nom « CSDDD : Corporate Sustainability Due Diligence Directive »