Si vous vous êtes promené à pied ou à vélo dans les campagnes, vous l’avez sûrement vu, et surtout senti: les épandages d’engrais ont commencé. Bien sûr, il n’y a pas d’agriculture sans fertilisation. Toutefois, en Flandre, le bétail en surnombre produit tellement de déjections qu’il est impossible pour la nature de les assimiler. Cela entraîne des fraudes et une pollution massive des cours d’eau dans les zones agricoles. Arrêtons cette crise. Le gouvernement flamand doit prendre des mesures drastiques pour inverser la tendance.
Qu’est-ce que le nitrate ?
Pour bien comprendre le problème, replongeons-nous dans nos cours de biologie. Les plantes ont besoin d’azote (N) pour se développer. Le phosphate (P), comme l’azote, sont des nutriments importants pour les plantes ainsi que des composants essentiels de tous les êtres vivants.
Pour fertiliser les sols, l’agriculture utilise des engrais d’origine animale: le lisier et le fumier qui contiennent du nitrate (NO3), un élément nutritif facilement absorbable. Toutefois, le nitrate qui n’est pas absorbé par les plantes finit par se retrouver dans les ruisseaux et les rivières.
Or, une concentration élevée de nitrates et de phosphates dans les eaux de surface peut entraîner la prolifération d’algues vertes et de lentilles d’eau. Ces algues sont nocives pour notre santé ainsi que celle des animaux. De plus, leur présence croissante réduit fortement la biodiversité présente dans les cours d’eau. En effet, lorsqu’elles meurent, les algues entraînent la formation de « zones mortes ».
Mauvais à quel point ?
Le problème n’est pas nouveau, mais les chiffres officiels montrent une détérioration constante de la qualité de l’eau dans les zones agricoles depuis des années.
La teneur maximale en nitrate recommandée par l’OMS est de 50 mg par litre.
On constate qu’après une légère baisse, en 2013 la teneur en nitrate a atteint un pic beaucoup trop élevé . Et depuis, environ 20 % des points de surveillance enregistrent, chaque année, un dépassement du seuil des 50 mg/l.
Durant l’hiver 2017-2018, jusqu’à 28%, et en 2018-2019 pas moins de 38% des points de mesure étaient en infraction. Or le gouvernement flamand, dans son précédent plan d’action de gestion des effluents d’élevage, s’était fixé comme objectif d’avoir un maximum de 5% de points de mesure dans le rouge. On constate donc un écart important entre l’objectif et la réalité.
L’hiver passé (2019-2020), 32% des points de surveillance avaient dépassé au moins une fois la valeur seuil de 50 mg de nitrate par litre. Cela pourrait ressembler à une légère amélioration par rapport à l’année précédente. Cependant, si on prend en compte d’autres indicateurs, on constate en fait une hausse des concentrations moyennes annuelles dans l’eau.
En d’autres termes, les choses évoluent dans la mauvaise direction.
En quoi le nitrate est-il polluant ?
Les nitrates proviennent principalement de l’épandage de lisier et d’autres engrais chimiques. Les déjections produites par les élevages intensifs flamands (environ 49 millions de porcs, poulets et bovins) sont ingérables pour les agriculteurs. Le surplus de fumier/lisier doit en principe être traité selon un protocole strict, mais cela est très coûteux pour les éleveurs. Dans un marché où les marges bénéficiaires sont très minces, cela peut facilement mener à des fraudes: les effluents sont déversés sur des terres déjà surfertilisées, gorgées de nitrates. Le système de fermes-usines est intenable si on veut rester dans les limites que la nature peut absorber. Il est donc essentiel de réduire le cheptel et de revenir à un élevage à taille humaine.
Lorsque l’on compare sur une carte les points de mesure dans le rouge et les communes à forte concentration de bétail, on constate une corrélation marquante entre l’élevage intensif et la pollution de l’eau.
Certains attribuent ces mauvais résultats aux périodes d’extrême sécheresse que nous avons connues ces dernières années. Les agriculteurs répandent du fumier sur leurs champs en prévision d’un « été normal » avec des précipitations suffisantes. Cependant, lors des longues périodes de sécheresse, les cultures poussent moins bien, entraînant une moins bonne absorption de l’azote et du phosphore. Par conséquent, une plus grande quantité de ces composants reste sur le sol et pollue les eaux de surface.
Il est vrai que la sécheresse joue un rôle, mais elle ne doit pas être une excuse pour autant. Les périodes de sécheresse sont malheureusement une réalité, directement liée au réchauffement climatique. Si l’impact des sécheresses est tel, notre gouvernement doit s’adapter et prendre des mesures plus radicales.
Une autre explication couramment entendue : certains « cow-boys » ou gros acteurs fraudent et salissent l’ensemble du secteur. Les mauvaises pratiques de fertilisation et la fraude au lisier jouent un rôle dans la mauvaise qualité de l’eau. C’est pourquoi il est important de mettre en place des mesures sévères pour contrecarrer ces pratiques. Cependant, cette fraude n’est que la conséquence d’une politique agricole défaillante. C’est un symptôme. Le racine du problème: une quantité de bétail beaucoup trop importante pour un territoire comme la Flandre.
Dans la lutte pour une eau plus propre, nous avons besoin de diminuer drastiquement le nombre de fermes-usines et d’augmenter les pratiques d’agriculture agro-écologique préservant les sols. C’est également ce que confirme l’Agence européenne pour l’environnement dans son nouveau rapport.
Soutenez nos agriculteur.trice.s
Le modèle agricole flamand actuel est non seulement inefficace face à la crise climatique et celle de la biodiversité, mais il entraîne également des abus sociaux. Les agriculteurs sont enfermés dans un modèle de croissance qui les pousse à s’endetter toujours plus. Ceux-ci se retrouvent trop souvent la corde au cou face aux frais de gestion des effluents toujours plus élevés, entraînant parfois des fraudes.
La transition vers une agriculture plus écologique va donc toujours de pair avec un soutien financier et des compensations pour nos agriculteur.trice.s, que ce soit au niveau flamand, ou au niveau européen.
De la crise écologique à la solution
Tout comme les Pays-Bas, la Flandre est en pleine crise : la qualité de l’eau se détériore et nous étouffons sous l’azote. Le Conseil pour les contestations de permis (RvVb) l’a d’ailleurs récemment confirmé dans son arrêt dit « azote ». Des réformes structurelles – telles que la réduction de nos cheptels – sont devenues inévitables pour protéger notre nature.
Nous voulons donc :
- Une solution qui s’attaque à la racine du problème des effluents d’élevage, avec des mesures de réduction du cheptel et un soutien aux agriculteurs concernés.
- La fin des fermes-usines et une augmentation de l’agriculture agro-écologique sur le terrain.
Début mars, Greenpeace a envoyé une mise en demeure à la Ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir. Le gouvernement flamand dispose de 30 jours pour répondre. Sinon, nous nous rendrons au tribunal afin de nous battre pour une meilleure qualité de l’eau.
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