La pandémie à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui montre à quel point notre société mondialisée est vulnérable. En prenant des mesures de protection sanitaires strictes, la Belgique, comme d’autres pays, met tout en œuvre pour éviter le pire. Dans le même temps, notre gouvernement prend, avec le Economic Risk Management Group, des décisions pour maintenir l’économie à flot, conformément à la politique de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne.

La réponse à la crise du Covid-19 peut rendre notre société plus forte et plus juste
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Greenpeace préconise que toutes les mesures de lutte contre le virus Covid-19 soient durables et s’attaquent aux inégalités et aux dommages environnementaux irrémédiables causés par le modèle socio-économique actuel. Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres le formule comme suit : « Nous avons la responsabilité de mieux nous redresser qu’après la crise financière de 2008. »

Comme beaucoup d’autres acteurs, Greenpeace demande de consentir toutes les dépenses nécessaires pour construire une société meilleure et plus résistante. Cela signifie : une société, fondée sur de meilleurs soins de santé, de meilleures normes de travail et une meilleure protection sociale et environnementale. Le soutien économique à court terme doit donc s’inscrire dans le cadre de ces priorités à long terme pour notre société. En temps de crise, il est d’autant plus important de garder le cap à long terme. 

La crise actuelle et les problèmes économiques qui en résultent montrent plus que jamais que la transition sociale et économique doit être à la fois équitable et verte. À l’échelon belge comme européen, les dépenses consenties et les décisions prises dans le contexte de la crise du Covid-19 doivent :

· S’appuyer sur les valeurs de l’UE telles que la démocratie et l’égalité qui sont inscrites dans les traités européens, ainsi que sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et sur le Socle européen des droits sociaux 

· S’appuyer sur le souci et le respect d’autrui, de la nature, de l’environnement et sur la science. Le directeur régional de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Europe, a déclaré qu’en des temps comme ceux-ci, « il ne fait aucun doute que le bon vieux principe de précaution doit guider nos décisions » ;

· Être en accord avec l’accord de Paris sur le changement climatique : subventions énergétiques, financements dans le cadre de la politique agricole commune de l’UE et fonds structurels et de cohésion ;

· Investir dans les ressources humaines et empêcher les industries polluantes de recevoir un financement public inconditionnel. L’argent public doit être prioritairement investi dans un nouveau départ et nous aider à transformer notre société en une société dans laquelle nous nous soucions réellement les uns des autres et de toutes les formes de vie sur notre planète.

Se concentrer sur les gens, pas sur les grands pollueurs

Veiller à ce que les personnes dans le besoin à la suite de la crise Covid-19 reçoivent une indemnisation adéquate, en accordant une attention particulière à celles qui étaient déjà dans une position vulnérable avant la crise. La politique de santé publique doit placer les intérêts des plus démunis au cœur de ses préoccupations afin d’éviter le risque d’une aggravation des inégalités et des niveaux de pauvreté, comme ce fut le cas après la crise financière de 2008.

Opter pour une refonte en profondeur des dépenses provisoires et des budgets, ainsi que des régimes fiscaux pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés et apporter de nouvelles réponses aux inégalités croissantes. Au lieu d’essayer de combler les lacunes du modèle économique actuel, nous devons investir dans des systèmes qui soutiennent les personnes, la nature et la planète. Concrètement, cela signifie investir pleinement dans une transition équitable, verte et communautaire qui nous conduira vers une économie décarbonée, une fiscalité équitable et verte, des emplois de qualité qui soutiennent les personnes même en temps de crise, et des services publics traités comme des biens publics essentiels, tels que les soins de santé, l’éducation et l’aide sociale pour tous, des transports publics accessibles à tous et l’accès pour tous aux institutions culturelles.

Cesser de détruire notre société, à court et à long termes, et commencer à promouvoir le bien-être. Faire du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE un pacte socio-écologique qui donne la priorité au bien-être des personnes ainsi qu’à la préservation et à la protection de notre environnement naturel, et investit dans ces domaines. Les directives européennes sur les dépenses des institutions financières et des entreprises doivent être adaptées : des clauses sociales doivent être ajoutées pour protéger les droits des travailleurs, et les activités nuisibles à notre environnement et à notre santé doivent être exclues. Les pays de l’UE doivent être rendus responsables de la construction d’une société juste, de la fourniture d’un environnement sain et de la garantie d’une planète vivable pour les générations futures.

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Investir dans les personnes, pas dans les industries. Lorsque les gouvernements envisagent un soutien financier, celui-ci doit être subordonné non seulement à l’élaboration et à la mise en œuvre de plans de transition concrets, conformément à l’accord de Paris sur le changement climatique, mais aussi à la protection sociale des travailleurs. Dans les industries fortement polluantes, il faut veiller tout particulièrement à ce que les ressources destinées à soutenir les travailleurs ne soient pas utilisées pour servir les intérêts de l’entreprise ni pour maintenir des pratiques destructrices pour l’environnement ou les salaires des dirigeants.

Faire des droits des employés une priorité. Depuis la récession de 2008, les droits des travailleurs ont été lentement démantelés dans toute l’Union européenne : de l’ubérisation aux contrats « flexibles ». Ces conditions de travail poussent les gens à travailler alors qu’ils ne devraient pas, notamment quand il s’agit d’empêcher la propagation de maladies. Les droits des travailleurs et la négociation collective doivent être garantis pour tous les secteurs d’activité. Les professions qui sont aujourd’hui sous-évaluées et souvent sous-payées et qui sont cruciales dans la lutte contre le virus Covid-19 doivent être réévaluées dès que possible. On y trouve le personnel infirmier et de soins, les aides à domicile, les éboueurs, les livreurs de repas souvent avec un statut très précaire et le personnel des supermarchés. 

Prendre soin de la planète

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La crise du climat et de la biodiversité nous met face à des défis de plus en plus importants. Plus nous attendrons pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et protéger la biodiversité, plus le coût en termes de vies humaines et de perte de revenus sera élevé, plus les dommages que nous causons à la planète seront importants, plus le réveil financier sera dur et plus la répartition des impacts et des charges sera inéquitable. La crise actuelle est un signal d’alarme pour protéger les personnes, la nature et la planète en réduisant les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 65 % d’ici 2030 et en mettant en œuvre une stratégie européenne forte en matière de biodiversité. Les régions belges doivent à tout instant joindre le geste à la parole. Tant au niveau fédéral que régional, le développement des énergies renouvelables doit être poursuivi conformément à l’objectif de 1,5 °C de l’accord de Paris et en synergie avec la nature, sur le modèle du plan d’aménagement des espaces marins.

Les mesures de soutien consécutives à la crise du Covid-19 doivent permettre de mieux nous préparer à faire face à la fois à la crise climatique et à la crise de la biodiversité. Après la crise financière de 2008, les fonds publics ont été affectés de manière disproportionnée aux industries polluantes et à la partie la plus prospère de la société. De cette façon, les inégalités se sont encore accrues et les industries à l’origine de la crise climatique ont été maintenues à flot. Nous ne pouvons plus nous permettre de refaire la même erreur aujourd’hui. L’ensemble des gouvernements belges et le groupe de gestion des risques économiques doivent axer leurs mesures de soutien sur la transition de notre économie et de notre société vers la neutralité climatique d’ici 2040, en investissant dans de vraies solutions climatiques qui profitent au plus grand nombre :

Transports

Les transports sont un contributeur très important aux émissions de gaz à effet de serre de la Belgique. Une politique climatique audacieuse est nécessaire pour réduire radicalement ces émissions. Cette transformation exige une réduction sans précédent du kilométrage parcouru, un transfert modal rapide vers des solutions de rechange respectueuses du climat, et un passage à des technologies sans carburants fossiles. Un retour à la normale dans le secteur des transports n’est donc en aucun cas durable pour le climat ou notre santé. La crise du Covid-19 pourrait être un tournant dans la transformation de notre mobilité.

En raison de la quasi-absence de circulation automobile pendant cette crise, les effets externes quotidiens redeviennent très « visibles », grâce à l’absence de bruit, de pollution et d’embouteillages. Toutefois, on peut se demander si la crise actuelle modifiera également les comportements de mobilité à long terme, par exemple au profit du vélo, des transports publics et de la mobilité électrique partagée. Au lendemain de cette crise, des investissements spécifiques dans le réseau ferroviaire et les transports publics, les infrastructures cyclables et la mobilité électrique partagée (par exemple, dans une infrastructure de recharge publique bien conçue) peuvent y contribuer et apporter des gains en matière d’emploi, de climat et de santé.

Un éventuel soutien public à l’aviation (et aux autres industries polluantes) doit aller de pair avec des conditions sociales et environnementales. Il faut conditionner le soutien public à la sécurité des employés, et non des actionnaires, et (à terme) à la formation à des emplois respectueux du climat dans d’autres secteurs tels que le rail et les transports publics. Un soutien ne peut également être apporté que si les compagnies aériennes et les aéroports s’engagent à mettre en place des plans ambitieux en matière de climat, conformément à l’accord de Paris, et se plient à des mesures politiques, comme une taxe sur le kérosène, pour concrétiser cette démarche. Il serait fatal pour la politique climatique que les gouvernements permettent au secteur de l’aviation d’inciter les citoyens à « voler plus » après la crise, et reportent ou assouplissent les mesures climatiques urgentes, y compris dans le secteur de l’aviation.

Énergie

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À court terme, des investissements supplémentaires dans les rénovations écoénergétiques et l’installation de panneaux solaires à petite échelle peuvent soutenir l’économie et garantir l’emploi local. Il faut pour cela assouplir les critères d’éligibilité aux prêts sans intérêt pour les rénovations à haute efficacité énergétique, étendre leur champ d’application à l’installation de panneaux solaires résidentiels et promouvoir leur utilisation. Il convient aussi de revoir le cadre législatif de sorte qu’il devient financièrement intéressant d’exploiter au maximum la surface de toit disponible et de produire plus que sa propre consommation. Enfin, il faut élaborer des réglementations permettant la production solaire partagée et revoir à cette fin les tarifs pour l’utilisation du réseau. En attendant, il faut travailler à une transposition ambitieuse de la directive européenne sur les énergies renouvelables afin de soutenir les communautés d’énergie renouvelable.

Le cas échéant, les délais de souscription ou d’achèvement des grands projets d’énergie renouvelable doivent être revus afin de ne pas mettre les investisseurs en difficulté. En outre, la procédure d’appel d’offres pour les nouveaux parcs éoliens offshore doit être lancée dès que possible afin de prévoir un délai suffisant pour atteindre au moins 700 MW d’ici 2025. Afin de donner à ces projets une chance équitable, il est essentiel de maintenir la sortie du nucléaire légalement déjà votée, afin de ne pas compromettre l’injection de l’électricité renouvelable dans le réseau par la production d’une électricité nucléaire artificiellement moins chère et inflexible.

Agriculture

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En période d’instabilité sociale et économique, il est très important qu’une alimentation saine, écologique et principalement végétale soit largement disponible et abordable. Le gouvernement peut y parvenir en encourageant auprès des consommateurs les initiatives des petits agriculteurs et des réseaux alimentaires locaux et solidaires, afin de donner accès à tous à des aliments locaux sains et produits de manière écologique. Un fonds de transition doit également mieux soutenir les modèles agricoles durables, résistants et ancrés localement afin de stopper et d’inverser la tendance à l’augmentation du nombre d’agriculteurs dans le besoin. 

Plus d’un tiers du budget européen est consacré aux subventions agricoles. La réforme de la politique agricole commune doit réorienter ces fonds publics. Au lieu de soutenir des entreprises industrielles non viables et des pratiques agricoles non durables, il faut s’orienter vers des pratiques plus écologiques s’inscrivant dans un modèle alimentaire et agricole diversifié et résistant qui protège et restaure la biodiversité. Les trois gouvernements régionaux, et en particulier ceux de Flandre et de Wallonie, en ont le pouvoir grâce aux plans stratégiques de la politique agricole commune qu’ils doivent soumettre à la Commission européenne. Ils doivent soutenir une agriculture circulaire et autonome, à la recherche de bénéfices économiques, sociaux et environnementaux pour tous. Les gouvernements régionaux doivent également veiller à l’application stricte des directives européennes importantes telles que la directive « Habitats » et la directive « Nitrates ». 

Matières premières

La transition vers une économie sociale, verte et renouvelable implique également une transition en ce qui concerne l’origine et l’utilisation des matières premières nécessaires à cette fin. Pour éviter de continuer à surexploiter notre planète et à détruire de plus en plus d’écosystèmes sur terre et dans les eaux profondes pour y extraire des métaux rares, il est essentiel que le gouvernement donne un coup de fouet à l’économie de partage circulaire. Cela implique de mettre davantage l’accent sur la réutilisation locale, l’extension de la durée de vie et la récupération, ainsi que sur une chaîne de batteries circulaire et durable, comme le prévoit le « Green Deal » européen, y compris un taux de récupération plus élevé pour les minéraux énergétiques essentiels.

Protéger la démocratie 

La Charte des droits fondamentaux confère aux citoyens de l’UE le droit à la vie privée (article 7) et à la protection des données à caractère personnel (article 8). Dans les circonstances actuelles, l’UE doit veiller à ce que les autorités nationales et régionales fassent une utilisation très prudente des mesures d’urgence qui portent atteinte à la vie privée des gens, comme le suivi des déplacements des personnes en exploitant, par exemple, les données de localisation des smartphones. La condition absolue est que ces mesures ne servent que des objectifs de santé publique et doivent être proportionnées et limitées dans le temps. En outre, les autorités doivent garantir la transparence et la responsabilité dans le traitement des données à caractère personnel.

Il faut veiller à ce que les règles élaborées dans le cadre d’une urgence nationale ne soient directement applicables qu’à cette urgence. Les gouvernements ne doivent pas s’octroyer des pouvoirs supplémentaires dont les effets seront maintenus après la fin de la crise ou qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour contenir celle-ci.

Enfin, bien que le parlement belge ait accordé des pouvoirs spéciaux au gouvernement fédéral, il est absolument indispensable d’assurer une transparence dans les prises de décision afin de ne pas hypothéquer les décisions à prendre une fois la période de crise passée.

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