Les entreprises qui tirent profit de la vente de produits liés à la déforestation, et leurs groupes de pression, tentent de saper un projet de loi européen visant à limiter l’impact de la consommation européenne sur les écosystèmes mondiaux, selon une nouvelle recherche de Greenpeace. 

L’étude a analysé les contributions de l’industrie aux consultations publiques de la Commission européenne, ainsi que leurs déclarations publiques et leurs documents de lobbying. Elle a révélé que les entreprises et les associations de différents secteurs commerciaux (de la viande à l’huile de palme en passant par le papier) exercent une pression sur l’UE pour obtenir des réglementations faibles ou des échappatoires pour leurs produits, même si elles affirment en même temps s’engager à lutter contre la déforestation.

Une réglementation pourtant indispensable et urgente

« La protection des écosystèmes, notamment des forêts, est fondamentale pour notre avenir”, explique Philippe Verbelen, expert Forêts chez Greenpeace Belgique. “C’est un élément clé dans la lutte contre le dérèglement climatique mais aussi un moyen fondamental pour protéger l’humanité face à l’arrivée de nouvelles maladies et soutenir la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes. Une nouvelle loi européenne est donc désespérément nécessaire pour que la consommation européenne cesse de favoriser la déforestation. L’étude de Greenpeace montre que les entreprises impliquées dans la déforestation sabotent néanmoins ce processus. Elles utilisent la stratégie des cancres dans une classe : elles pointent du doigt les autres, en insistant sur le fait qu’elles ont déjà fait le travail, ou en se plaignant d’être traitées injustement. »

En octobre 2020, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de rédiger une loi qui obligerait les entreprises plaçant des produits sur le marché de l’UE à montrer que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes de destruction de forêts ou d’autres écosystèmes – comme les savanes, les prairies, les tourbières – ou de violation des droits humains. Le Parlement a également demandé à la Commission d’exiger des institutions financières opérant en Europe qu’elles démontrent que leurs investissements ne sont pas liés à la destruction des forêts et des écosystèmes ou à des violations des droits humains.

Une exigence citoyenne

Plus d’un million de personnes ont répondu à la consultation publique de la Commission européenne, exigeant une nouvelle loi européenne forte pour écarter du marché européen les produits liés à la déforestation, à la dégradation des forêts, à la destruction de la nature et aux violations des droits humains. L’étude de Greenpeace a révélé que les entreprises qui vendent actuellement de tels produits ont fait pression, soit directement, soit par le biais d’associations industrielles, pour limiter l’impact de toute nouvelle loi européenne sur leurs modèles commerciaux. Le rapport de Greenpeace montre que les entreprises se défendent en pointant du doigt d’autres responsables, en assurant avoir déjà implémenté des politiques volontaires et autres systèmes de certification. Pour justifier leur inaction, elles affirment que d’autres devraient agir avant elles. 

“La Commission européenne avait assuré que cette proposition de loi serait publiée lors du premier semestre 2021”  explique Philippe Verbelen. “Mais sa publication est maintenant reportée après la pause estivale… Une fois publiée par la Commission, le Parlement européen 

et les gouvernements nationaux commenceront à formuler leurs positions et à proposer des amendements, ce qui prendra encore beaucoup de temps. Or, en attendant, la déforestation et la destruction des écosystèmes, elles, se poursuivent chaque jour.