Le gouvernement flamand a présenté hier soir ses nouvelles mesures climatiques, dans le cadre de la COP26. Les organisations environnementales Bond Beter Leefmilieu, Greenpeace, Natuurpunt et WWF y reconnaissent des avancées positives mais se montrent critiques vis-à-vis de ce plan pas assez ambitieux, qui demande beaucoup d’efforts individuels et manque cruellement de mesures sociales. Et il est particulièrement inacceptable qu’un engagement à réduire le cheptel flamand ait été supprimé de l’accord.

« La pression exercée par la mobilisation citoyenne ces dernières années amène la Flandre a enfin se positionner sur une série de thèmes relatifs au climat” explique Mathieu Soete, responsable des campagnes chez Greenpeace Belgique. “Pourtant, la Flandre ne semble pas avoir perçu l’urgence de la situation. Un mois à peine après la grande marche pour le climat, au cours de laquelle plus de 50 000 citoyen.ne.s ont réclamé plus d’ambition et une transition juste, le gouvernement flamand transfère la facture aux citoyen.n.es et laisse largement de côté des secteurs importants comme l’industrie et l’agriculture. Alors que nous avons besoin d’un changement systémique, le ministre Demir se rend à Glasgow avec un accord préparé à la hâte, qui n’a pas été suffisamment réfléchi ».

Agriculture : la réduction du cheptel passe à la trappe

Le gouvernement flamand veut réduire d’au moins 25% les émissions de CO2 dans le secteur agricole, et de 30% les émissions de méthane. Pour arriver à ces objectifs, la Flandre compte surtout sur l’innovation et la technologie. Une stratégie qui a déjà pêché par son absence de résultats ces dernières années.

Et pour cause, sans réduction substantielle du bétail, ces mesures ne servent à rien. « Réduire le cheptel est le seul moyen de s’attaquer à la source du problème et de répondre à plusieurs enjeux en même temps. En s’attaquant de manière différenciée, et via des mesures techniques, au CO2, à l’azote, à la pollution de l’eau, à la santé et à la déforestation liée à la culture du soja, le gouvernement met surtout les agriculteurs dans une situation complexe. Cela n’offre aucune sécurité juridique et frappe particulièrement les petits agriculteurs”, estime Jos Ramaekers, responsable du département politique de Natuurpunt.

« C’est une nouvelle occasion manquée de redéfinir notre agriculture comme un secteur qui s’engage avant tout dans une production de qualité, durable, dans les limites de l’environnement et avec une valeur ajoutée pour l’agriculteur et la nature », poursuit Julie Vandenberghe, directrice politique adjointe pour les programmes nationaux au WWF. 

Rénovation de l’immobilier

Dès 2023, la Flandre rendra obligatoire la rénovation des bâtiments vendus. Dès 2030, toutes les maisons sans distinction seront soumises à cette obligation. Cette mesure devrait enfin permettre au taux de rénovation des maisons de s’améliorer. Mais elle n’est pas assez ambitieuse.

« Le gouvernement flamand choisit de ne rénover les bâtiments les plus énergivores que jusqu’au niveau EPC D. En agissant ainsi, la Flandre risque de donner le signal que le niveau D est suffisant, alors que son propre objectif est que chaque bâtiment soit classé A d’ici 2050. Cela risque de coûter deux fois aux citoyen.ne.s. De plus, la rénovation en plusieurs étapes augmente la pression sur le secteur de la rénovation – où il y a déjà une pénurie de professionnels », explique Benjamin Clarysse, coordinateur politique pour Bond Beter Leefmilieu.

Les mesures qui touchent au chauffage ne vont pas assez loin et pas assez vite. Les nouveaux propriétaires sont poussés à acquérir des pompes à chaleur hybrides jusqu’en 2026, alors qu’on sait qu’elles continueront à consommer avant tout du gaz fossile, tant que le déséquilibre des charges sur le gaz et l’électricité ne sera pas inversé. Un nouveau bâtiment économique, doté d’un chauffage à basse température via une pompe à chaleur électrique, devrait être la norme.

Ces mesures sur l’immobilier manquent en outre sévèrement d’un volet social qui permettrait à tous les citoyen.e.s d’y accéder. Le SERV (le Conseil économique et social de la Flandre) estime qu’une rénovation pour atteindre le niveau EPC A coûte en moyenne 50 000 €. Un grand nombre de propriétaires ne peuvent se permettre de rembourser un nouveau prêt. Il est difficile de savoir si le gouvernement proposera des instruments de financement suffisants pour eux. Enfin, d’importants investissements sont nécessaires dans des logements sociaux bien isolés (selon le SERV : 200 000 logements sociaux supplémentaires).

Electrification de la mobilité : quid de l’aspect social et de l’infrastructure? 

La Flandre prévoit la fin progressive des voitures à moteurs thermiques à partir de 2029. Dans une région à la circulation intense, cela constitue un progrès en termes d’émissions de gaz à effet de serre et en matière de santé publique. 

Mais pour que chacun puisse se déplacer sans émettre de gaz à effet de serre, des investissements supplémentaires dans les transports publics et les infrastructures cyclables sont indispensables. 

Dans l’ensemble, la Flandre ne semble pas avoir de plan pour réduire les kilomètres parcourus en voiture. Remplacer un par un les moteurs à combustion par des voitures électriques ne diminuera pas la pression du trafic. Il ne s’agit en aucun cas d’une solution structurelle pour améliorer la mobilité.

Limiter les subsides aux industries dotées d’un plan climat

Le gouvernement flamand annonce également que les entreprises qui n’ont pas de plan pour émettre moins de CO2 ne pourront plus prétendre aux subventions flamandes aux entreprises (environ 50 millions d’euros par an). Ce faisant, elle envoie un signal à l’industrie. Cependant, la manière dont les plans industriels seront évalués n’est pas encore clairement définie. Cela doit être fait avec une méthodologie objective basée sur la science du climat. De plus, les industries énergivores profitent encore d’importants subsides sous forme de réductions sur leur facture de gaz et électricité, que la charge annoncée sur le gaz fossile ne commence qu’à corriger.

A-t-on oublié les énergies renouvelables? 

Il est aussi frappant de constater que le gouvernement flamand ne parvient pas à formuler des ambitions plus pointues pour le développement des énergies renouvelables, qui constituent pourtant un socle pour beaucoup de chantiers comme la mobilité ou le chauffage électrique. Tant le développement des éoliennes terrestres que celui des panneaux solaires sont en panne en Flandre. Un premier pas positif est que le gouvernement a décidé de ne pas réduire la prime à l’investissement pour les panneaux solaires. Mais cela ne suffit pas à rattraper le retard pris en matière d’énergies renouvelables.