La BEI se laisse la possibilité de financer des infrastructures de transport polluants
Ce mercredi 13 juillet, le Conseil d’administration de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) va approuver la nouvelle politique de prêt dans le secteur des transports [1] qui laisse la porte ouverte aux investissements en faveur du développement routier et autoroutier européen, pourtant déjà l’un des plus dense au monde. Une nouvelle prise de position de CEE Bankwatch Network, Counterbalance, Greenpeace et Urgewald publiée ce jour [2] montre que la BEI ne parvient pas à faire les choix nécessaires pour changer le système de transport actuel. Greenpeace exige la modification de cette politique et le développement d’une mobilité réellement durable.
Frédéric Meys, chargé de campagne System Change chez Greenpeace Luxembourg, explique : « Alors que des évènements climatiques extrêmes ont frappé l’Europe ces derniers temps, la Banque Européenne d’Investissement n’exclut toujours pas ses investissements en faveur du développement autoroutier européen. Dans son projet de politique de prêt dans le secteur des transports, la BEI laisse la porte ouverte aux investissements permettant d’agrandir toujours plus le réseau routier et autoroutier. De ce fait, et bien que reconnaissant la nocivité du trafic routier, la BEI permet de laisser plus de place à la voiture, bien souvent individuelle, dans le paysage européen ».
Le secteur du transport constitue plus de 25 % des investissements de la BEI, ce qui correspond à 21 milliards d’euros d’investissement ces deux dernières années. La nouvelle politique proposée part de l’hypothèse d’une croissance toujours plus grande de la mobilité. Sans vision claire pour le changement nécessaire afin de maintenir les activités humaines dans les limites planétaires, la BEI ne fait que renforcer la tendance vers toujours plus de mobilité, sans suffisamment tenir compte des impacts environnementaux et sociaux qui sont liés. L’Europe connaît toujours plus d’embouteillages sur son sol, source de perte de temps et de dégâts multiples. Il convient de souligner également que l’électrification des moyens de transport n’apporte pas une réponse à cette problématique, et bien qu’ayant un impact moins grand sur l’environnement, ne permet pas non plus une réduction des inégalités sociales.
Continuer à investir dans les infrastructures liées aux énergies fossiles et à la surconsommation mène inévitablement à se poser la question de la pérennité de ces investissements. Concernant les routes et autoroutes, cela correspond à 3 milliards d’euros en 2020 et 2021 d’investissement par la BEI. Il est probable que ces investissements deviennent des actifs perdus (‘stranded assets’) dans un avenir plus ou moins proche. Le 7 juillet, le Parlement européen a adressé un appel clair à la BEI dans le cadre d’une motion demandant une meilleure prise en compte de la problématique des « stranded assets » [3].
En dehors de l’aspect investissement, on constate que cette tendance vers plus de la mobilité est poursuivie au Luxembourg également.
Frédéric Meys ajoute : « Au niveau du Luxembourg, une politique de mobilité a été présentée récemment par le ministre de la mobilité et des travaux publics. Bien que faisant la part belle à la promotion de moyens de transports alternatifs à la voiture individuelle, cette politique ne présente pas non plus la rupture nécessaire: on envisage toujours plus de croissance alors que l’on sait que les limites planétaires sont déjà largement dépassées ».
Alors que le président de la BEI, Werner Hoyer, a clairement déclaré que les investissements dans les énergies fossiles étaient terminés, la BEI laisse également ouverte la possibilité d’investir dans des navires propulsés au gaz naturel liquéfié (Liquefied natural gas, LNG). Or, l’ensemble du cycle de vie de cette énergie fossile est une source d’émissions de méthane, dont le potentiel de réchauffement climatique est 80 fois plus important que celui du dioxyde de carbone.
Notes :
[1] Public consultation on the revision of the EIB’s Transport Lending Policy
[2] CEE Bankwatch Network, Counterbalance, Greenpeace et Urgewald, Making the EIB a driver of green, accessible transport, 11 juillet 2022
[3] REPORT on the financial activities of the European Investment Bank – annual report 2021