Alors que la déforestation se poursuit à un rythme alarmant partout dans le monde, le Parlement européen doit se prononcer jeudi sur une proposition visant à retarder et à affaiblir l’application du règlement sur la déforestation (EUDR – European Deforestation Regulation). L’objectif de cette loi est de réduire l’impact négatif de la consommation européenne sur les forêts mondiales. Greenpeace appelle les députés européens à résister à la pression des lobbies et à voter contre le report et l’érosion de cette loi.
Le règlement européen sur la déforestation est actuellement menacé. D’une part, le Conseil de l’UE a rendu possible son report d’un an, sur base d’une proposition de la commission européenne. D’autre part, le Parti Populaire Européen (PPE) a proposé 15 amendements, destinés à affaiblir considérablement le règlement. La décision finale est désormais dans les mains du Parlement européen, qui se prononcera ce jeudi.
“Si l’UE décide de retarder et d’affaiblir cette loi, quelle crédibilité lui restera-t-elle dans sa volonté de lutter contre la crise climatique et de la biodiversité ?” s’interroge Philippe Verbelen, chargé de campagne biodiversité chez Greenpeace Belgique. “Les citoyen·nes européen·nes ne veulent plus avoir dans leur assiette des produits impliquant de la déforestation. Les député·es européen·nes ont le pouvoir de s’opposer à ce recul inacceptable. Nous les appelons à voter contre le délai proposé par la Commission et contre les amendements du PPE visant à détricoter cette loi.”
Des grandes entreprises comme Nestlé, Danone et Michelin ont déjà appelé à ne pas revenir sur le contenu de cette loi et de ne pas créer davantage d’incertitudes.
« Le PPE affirme vouloir simplifier les règles pour les entreprises. Mais les changements qu’il propose ne feront que créer plus de confusion, de chaos et in fine de déforestation. Cette manœuvre du PPE qui survient en dernière minute va provoquer la colère des entreprises qui se préparent à l’entrée en application de cette loi depuis 2022”, poursuit Philippe Verbelen.
Un règlement fragile sous pression
Depuis son adoption, le règlement a été critiqué par certains secteurs industriels et par les principaux pays exportateurs de produits couverts par la loi. Sous la pression d’un lobbying intense, la Commission européenne a finalement cédé et a lancé une procédure visant à reporter son introduction au 30 décembre 2025, soit un an plus tard que prévu. Outre le report, cette procédure rouvre la possibilité d’introduire des amendements visant à modifier le contenu de la loi.
L’UE a adopté ce règlement pour assumer sa responsabilité dans la lutte contre la déforestation. Il s’agit d’un élément important du Green Deal. La loi interdit la commercialisation dans l’UE et à partir de celle-ci de produits issus de la déforestation et de la dégradation des forêts. Ce règlement fait suite à une longue campagne menée par les citoyen·nes de toute l’Union européenne : près de 1,2 million de personnes ont répondu à la consultation publique en faveur d’un tel règlement. La loi est un instrument ambitieux sans précédent – il n’existe aucune loi comparable dans le monde – qui pourrait constituer un véritable tournant dans la lutte contre la déforestation mondiale.
La déforestation contribue largement à la crise climatique : elle représente 12 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre et réduit considérablement notre capacité à stocker le carbone. L’Union européenne est responsable d’environ 10 % de la déforestation mondiale, principalement en raison de sa consommation de viande, de soja pour l’alimentation animale, d’huile de palme et de bois.