10 grimpeur·euses et 12 kayakistes ont pénétré sur le terminal gazier de Fluxys à Zeebrugge ce matin. Une nouvelle action afin de dénoncer, rapport d’investigation à l’appui, le rôle de Fluxys, parmi les opérateurs gaziers européens, dans le récent développement spectaculaire du commerce du GNL américain en Europe. Ceci au détriment de nos objectifs climatiques et des droits humains. Nous demandons l’abandon de toute nouvelle infrastructure gazière et la planification d’une sortie européenne du gaz d’ici 2035.
L’action de désobéissance civile
Ce matin, nous sommes partis en action. 5 zodiacs de Greenpeace sont entrés sur le site de Fluxys à Zeebrugge. Les grimpeur·euses sont ensuite monté·es sur les quais destinés à charger, décharger et transborder les immenses navires transportant du gaz naturel liquéfié, aussi appelé GNL. Les activistes ont déployé une grande bannière de 4 mètres sur 5 avec le message suivant : “Gas kills, Fluxys guilty”, soit “le gaz tue, Fluxys coupable”. Des kayaks occupent également le terminal. Cette action de désobéissance civile a pour but de revendiquer de Fluxys et de nos autorités qu’ils abandonnent les nouveaux projets gaziers et qu’ils sortent définitivement du gaz d’ici à 2035.
C’est quoi le problème ?
Un nouveau rapport d’investigation de Greenpeace International montre comment l’industrie gazière – parmi laquelle l’opérateur gazier belge Fluxys – a profité du choc de l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour augmenter considérablement son emprise en Europe. En effet, suite à un lobbying intense de l’industrie du gaz, la politique énergétique européenne a connu récemment un changement majeur. Terminé d’accorder la priorité à la “transition énergétique”. C’est désormais le besoin de « sécurité énergétique » qui devient la priorité et cela se voit déjà concrètement. Les projets d’importation de gaz fossile, en particulier du GNL en provenance des États-Unis, ont été approuvés et financés avec de l’argent public à un rythme accéléré. En 2022, les importations européennes de GNL américain ont augmenté de 140 %.
Le GNL ou gaz naturel liquéfié, est un gaz fossile qui contribue davantage à la crise climatique que le gaz acheminé par gazoduc. L’exploitation gazière aux États-Unis entraîne une pollution et des risques accrus de maladies respiratoires, de malformations congénitales et de cancers. Cela touche principalement des personnes racisées, des groupes indigènes et des personnes à faible revenu.
Fluxys est le gestionnaire du réseau gazier belge, détenu par les communes belges à 77,4 %. Il gère non seulement l’infrastructure permettant d’acheminer le gaz en Belgique (car notre pays ne produit pas lui-même de gaz fossile), mais exploite également des dizaines de milliers de kilomètres de canalisations en Europe et dans le monde. Fluxys fait partie du groupe European Network of Transmission System Operators for Gas (ENTSOG) et Gas Infrastructure Europe (GIE). Notre rapport d’investigation a mis en évidence le rôle clé de Fluxys avec 3 terminaux existants et 2 en projet, dont le principal point d’entrée du gaz américain en Europe.
Suite à l’arrêt des gazoducs russes, les industries gazières américaines et européennes ont réussi à présenter les importations de GNL comme la seule réponse possible à la crise. Elles ont surfé sur la peur de nos gouvernements en agitant le spectre de pénuries d’énergie. Elles les ont ensuite rendus complices d’un programme invisible d’expansion, de nouvelles infrastructures et de contrats à long terme qui prolongeront notre dépendance au gaz fossile pendant des décennies.
C’est ainsi que sous la pression d’entreprises comme Fluxys, de nombreux projets et terminaux gaziers sont en train de voir le jour ici et de l’autre côté de l’Atlantique. A l’heure actuelle, 8 terminaux de GNL sont en cours de construction dans l’Union Européenne et des projets visant à en construire 38 autres sont sur la table. Cela affecterait gravement les communautés locales. Par ailleurs, si tous ces terminaux voient le jour, ils seraient responsables de l’émission de 950 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, ce qui équivaut à près d’un tiers des émissions de l’Union Européenne en 2019. Un désastre pour l’environnement et le climat. En contradiction complète avec nos objectifs climatiques qui prévoient une sortie des énergies fossiles.
1/ REPowerEU, le plan visant à sortir l’UE de sa dépendance au gaz russe, a prévu une aide de 10 milliards d’euros pour les infrastructures gazières, deux mois seulement après l’invasion russe en Ukraine.
2/ 8 terminaux de GNL sont en cours de construction dans l’UE et des projets visant à en construire 38 autres sont sur la table. Si tous ces terminaux voient le jour, ils seraient responsables de l’émission de 950 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, ce qui équivaut à près d’un tiers des émissions de l’Union Européenne en 2019.
3/ La plupart de ces projets n’aboutiront pas avant 2026. Ils ne peuvent donc pas être vus comme des solutions pour combler les déficits à court terme causés par la guerre.
4/ Les États-Unis et l’Union européenne prévoient de plus de doubler respectivement leur capacité d’exportation et d’importation de GNL. Cela risque d’entraîner une énorme surcapacité de part et d’autre, en raison de la baisse de la demande de gaz en Europe et des scénarios visant la neutralité climatique.
5/ En 2022, les importations européennes de GNL américain ont augmenté de 140 %. Près d’un quart d’entre elles étaient destinées à la France, le terminal Fluxys de Dunkerque étant le principal point d’importation de GNL américain dans l’UE.
6/ Malgré cette année faste pour le GNL, la capacité existante des terminaux européens n’a été utilisée qu’à 63 % en 2022 – Zeebrugge a atteint 61 %. Cela montre que les vastes plans d’expansion ne sont pas nécessaires.
7/ Le GNL contribue davantage à la crise climatique que le gaz acheminé par gazoduc. L’exploitation gazière aux États-Unis entraîne une pollution et des risques accrus de maladies respiratoires, de malformations congénitales et de cancers. Cela touche principalement des personnes racisées, des groupes indigènes et des personnes à faible revenu.
Nos revendications
Nous demandons davantage de transparence sur les activités de l’industrie gazière et nous souhaitons que les entreprises fossiles n’aient plus accès aux processus politiques. Il est évident que si l’on demande à l’industrie gazière quelle doit être la réponse à la crise énergétique, cette dernière répondra systématiquement: “toujours plus de gaz !”. Il n’est plus pensable que le lobby gazier, guidé par des objectifs de rentabilité, puisse influencer notre politique énergétique.
Nous ne pouvons pas aujourd’hui nous enfermer dans une logique de dépendance au gaz. Que ce soit du gaz russe ou américain. Nous devons nous libérer du gaz fossile d’ici 2035. Pour cela, pas de contrats à long terme, pas de nouveaux terminaux méthaniers et l’élimination progressive des infrastructures existantes plutôt que leur extension. Ce n’est qu’à cette condition que l’Europe et notre pays pourront assurer leur sécurité énergétique et atteindre leurs objectifs climatiques. Nos responsables politiques doivent tout mettre en œuvre pour une transition énergétique qui soit juste et basée sur la gestion de la demande et les énergies renouvelables.
Solutions pour sortir des énergies fossiles
Le dernier rapport du GIEC a montré que les solutions pour sortir des énergies fossiles étaient à notre portée. En Belgique en particulier, il y a un énorme effort à faire pour isoler massivement les logements, en aidant en priorité les foyers les plus précaires. Les investissements dans les énergies renouvelables doivent être accélérés. L’industrie doit également se mettre au travail et rendre les processus plus efficaces, circulaires et électriques. Enfin, le développement des énergies renouvelables doit s’intensifier : 70 % d’électricité issue des énergies renouvelables d’ici 2030, c’est possible.
Demandons à nos responsables politiques un agenda de sortie progressive du gaz d’ici 2035, qui intègre un soutien aux ménages les plus précaires. Libérons-nous des fléaux du gaz fossile.