L’ASTM et Greenpeace demandent une amélioration de la directive du FDC et une modification des bases légales du fonds de pension luxembourgeois
Luxembourg, le 6 février 2023 – La nouvelle directive du Fonds de Compensation (FDC), qui définit la politique d’investissement du fonds pour la période 2023-2027, ne répond pas aux exigences d’une stratégie de durabilité ambitieuse et ciblée. Malgré les critiques de nombreuses ONG et syndicats, la directive ne garantit pas suffisamment que les investissements ne portent pas atteinte à la protection du climat, de l’environnement et des droits humains. Telle est la conclusion d’Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) et de Greenpeace, qui ont présenté ce matin leur analyse de la directive du FDC dans le cadre d’une conférence de presse.
« Le dérèglement climatique est le plus grand défi de notre époque. Pour permettre la transition énergétique, les fonds publics doivent également être investis en accord avec l’accord de Paris sur le climat. Or, le fonds de pension souverain, le FDC, dont les investissements se situent actuellement sur une trajectoire d’augmentation de la température de 2,7°C, ne s’engage toujours pas dans sa nouvelle directive à fixer l’objectif de 1,5°C pour ses gestionnaires de fonds. Pourtant, le Luxembourg a ratifié cet accord et nous attendons que la directive établisse clairement le principe de l’objectif de 1,5°C pour l’ensemble des investissements du fonds ainsi que des critères spécifiques pour y arriver », explique Martina Holbach, chargée de campagne chez Greenpeace Luxembourg.
Les entreprises qui ne veulent ou ne peuvent pas respecter l’objectif de 1,5°C, ainsi que les entreprises actives dans des secteurs dangereux pour l’environnement, ne sont toujours pas exclues systématiquement des investissements du FDC. Les entreprises non transformables, notamment celles du secteur du charbon, ne menacent pas seulement le climat, elles représentent également un risque financier.
En ce qui concerne la conformité des investissements du FDC avec les conventions internationales relatives aux droits humains, certaines avancées ont été constatées en particulier l’ajout des Principes directeurs de Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains qui demandent aux acteurs économiques l’exercice d’un devoir de vigilance. Toutefois, la façon dont le FDC fera le suivi et l’évaluation pour s’assurer que les gestionnaires mettent effectivement en œuvre ces normes dans le cadre des investissements n’est pas claire.
En plus de la liste d’exclusion d’entreprises qui ne respectent pas les normes internationales, la « liste noire », la directive donne quelques nouveaux détails sur une autre liste, la « liste grise », qui comporte des entreprises « sous observation ». « Les critères et procédures concrètes autour de ces listes continuent à être peu transparentes. Il faudrait que le FDC rende publiques les entreprises qui figurent sur la liste noire ET la liste grise ainsi que les critères d’évaluation. », déclare Antoniya Argirova, responsable plaidoyer de l’ASTM.
Le FDC affirme depuis longtemps qu’il n’est pas possible d’exclure les secteurs non durables et qu’il n’est pas possible de mettre en place une stratégie de durabilité ambitieuse pour le fonds tout en conservant des objectifs de rentabilité et en minimisant les risques.
Nextra Consulting, qui a étudié en détail les investissements du FDC en 2020, conclut, après avoir examiné la directive du FDC, que ces arguments ne tiennent pas la route face à un examen minutieux.
« Nous estimons que le libellé du texte de loi utilisé par le FDC pour justifier sa propre démarche n’interdit pas l’exclusion de secteurs et ne contraint pas le FDC à maximiser la diversification », explique Dr Martin Granzow, directeur général de Nextra Consulting GmbH. « Étant donné que, selon des études scientifiques fondées, les investissements durables n’ont pas d’influence négative sur le rapport rendement/risque, mais une influence potentiellement positive, la FDC devrait, dans le contexte du déficit de financement des retraites qui se profile, considérer l’orientation durable de ses investissements non pas comme une menace, mais comme une opportunité économique ».
La directive du FDC pour la période 2023-2027 a été adoptée début janvier par le conseil d’administration du FDC, contre le vote des représentants syndicaux. La société civile a été systématiquement exclue des délibérations par le FDC, le ministre en charge Claude Haagen et la commission parlementaire. Cela est en contradiction flagrante avec la volonté politique de garantir une plus grande transparence et une plus grande participation de la société civile.
L’ASTM et Greenpeace demandent aux député·es d’envoyer un signal clair au gouvernement lors du débat parlementaire du 9 février, afin que la stratégie d’investissement du FDC soit améliorée et que les bases légales du FDC soient modifiées.
« Le débat parlementaire ne doit pas se transformer en un événement alibi dont le seul but est de donner le feu vert au ministre en charge pour signer la nouvelle directive FDC », exigent les responsables d’ASTM et de Greenpeace. « Pour que le fonds de pension devienne réellement durable, il ne suffit pas d’améliorer sensiblement la stratégie d’investissement. Il est urgent de modifier les bases légales du FDC, de rendre juridiquement contraignants les objectifs de durabilité et la participation de la société civile aux processus de consultation. »